Depuis 2015, le salon BePOSITIVE de la performance énergétique et environnementale des bâtiments et territoires promeut l’utilisation de la maquette numérique en organisant le BIM Décathlon. Ce challenge propose à des équipes d’étudiants architectes et ingénieurs de produire un scénario de rénovation d’un projet de bâtiment en mobilisant les outils et méthodes du BIM.
Pour l’édition 2017, qui s’est déroulée du 8 au 10 mars dernier, le défi était de réhabiliter une résidence de 4500 m² située à Villeurbanne (69) : une tour de 208 logements estudiantins du promoteur Est Métropole Habitat. Objectif : atteindre le niveau BBC rénovation et être exemplaire en matière d’usage acoustique, d’éclairage et de qualité architecturale.
Les équipes appelées à concourir ont été sélectionnées à l’automne 2016 sur la base d’un dossier de candidature formalisant un protocole BIM. Six équipes ont été retenues. Elles ont eu 100 heures durant le salon BePOSITIVE pour produire leur scenario de réhabilitation, présenté par la suite devant un jury d’experts. L’équipe Green Team 2.0 de Saint-Étienne est la grande gagnante. Entretien avec Ouisseme Dahimi, l’une de ses membres.

Remise des prix du concours BIM Décathlon à l’équipe Green Team 2.0, le 10 mars à Eurexpo.
Pouvez-vous présenter l’équipe et décrire votre méthode de travail?
Nous sommes quatre étudiants : Élodie Gudanis et Marie Grange qui sont à l’École nationale supérieure d’architecture de Saint-Étienne (ENSASE), Rai Correa Bastos qui est à l’École nationale d’ingénieurs de Saint-Étienne (ENISE), et moi qui suis architecte et étudiante en mastère spécialisé Efficacité énergétique dans la rénovation des bâtiments à l’école des Mines de Saint-Étienne.
Le travail de l’équipe a été supervisé par Lionel Ray, alors enseignant à
l’ENSASE sur le processus BIM et expert de Revit. Nous avons dès le départ beaucoup communiqué via des plateformes d’échanges comme Azendoo. Ces outils, nous ont permis de collaborer afin de rédiger notre protocole BIM. Dans ce protocole nous avons défini les différents outils et étapes de la création de notre maquette numérique avec le rôle de chacun à chaque étape. Ce travail nous a permis de passer la première sélection et d’être retenus avec cinq autres équipes pour présenter un projet abouti lors du salon BePOSITIVE.
Comment avez-vous créé votre maquette numérique?
Nous avons modélisé le bâtiment existant sur Revit. Cela a été long et compliqué car nous disposions seulement de fichiers PDF comme base de travail. Or il y a 16 étages…
Puis nous avons effectué les améliorations souhaitées. Nous sommes formés à Revit et nous avons l’habitude de travailler en niveau BIM 1 où chacun avance indépendamment sur sa propre maquette numérique. Là nous avons travaillé en niveau BIM 3, c’est-à-dire que nous avons collaboré sur la même maquette numérique. C’était une première pour moi et j’ai trouvé ce travail collaboratif très enrichissant pour le projet. Le niveau de collaboration BIM 3 représente un vrai progrès par rapport au niveau BIM 1.
Les études structurelles ont, quant à elles, été réalisées grâce au logiciel Robot Structural Analysis Professional et l’étude thermique grâce à ClimaBIM.
Est-ce que les élèves architectes d’aujourd’hui sont sensibilisés à la conception bioclimatique ?
Oui. Dans mon mastère, par exemple, sur les seize personnes inscrites, cinq sont architectes. C’est un ratio important qui montre la prise de conscience par la profession de la nécessité de prendre en compte la dimension énergétique dans le processus de création d’un projet architectural.
Pour le BIM Décathlon, à quel moment les problématiques thermiques sont-elles intervenues?
Les questions thermiques ont été prises en compte dès la phase de conception. Elles ont été au cœur du projet. Nous avons regardé comment chaque choix architectural impactait la thermique du bâtiment.
Ma double casquette d’architecte m’a permis de retenir les solutions les plus vertueuses. Comme nous avions peu de temps, nous n’avons pas cherché à les évaluer une par une. Nous avons plutôt fonctionné par scénario.
Au final, quels choix ont été faits pour améliorer la thermique du bâtiment ?
Tout au début du projet, nous avons réalisé un questionnaire à l’adresse des étudiants concernés pour connaître leurs besoins et leurs envies concernant l’amélioration de leur résidence.
Il en est ressorti que leur priorité était d’avoir un balcon. Nous avons donc imaginé une structure en extension qui enveloppe le bâtiment existant, avec des brise-soleils et des jardins d’hiver. Cela a créé des espaces tampons et réduit les déperditions au niveau de l’enveloppe.
Comment avez-vous réalisé l’étude thermique? Quelles sont les fonctionnalités de ClimaBIM qui vous ont facilité la tâche et celles qui manquent ?
Nous avons mis en place dans la maquette numérique en priorité les éléments nécessaires à la réalisation de l’étude thermique, c’est-à-dire l’enveloppe et les parois qui donnent sur des espaces non chauffés, puis je suis sortie du réseau pour réaliser l’étude thermique. Cela m’a permis d’éviter d’avoir une maquette numérique trop lourde à gérer, enrichie avec des éléments inutiles.
L’utilisation de ClimaBIM nous a fait gagner beaucoup de temps par rapport à une modélisation traditionnelle. Là où je travaille actuellement, nous n’avons pas ClimaBIM. Nous utilisons ClimaWin ce qui implique de modéliser le bâtiment surface par surface sur un outil de modélisation 3D puis de rentrer manuellement le tout dans le logiciel. Cela prend beaucoup de temps et engendre un risque d’oubli de surface pour les grands bâtiments. Avec ClimaBIM, nous pouvons travailler directement sur la maquette numérique.
Je trouve cependant dommage d’avoir été obligée de sortir du réseau précocement. Ce serait intéressant d’avoir une fonctionnalité qui permette de sélectionner les éléments de la maquette numérique que l’on souhaite pour la réalisation de l’étude thermique et d’exclure ceux qui ne sont pas utiles. Cela permettrait au thermicien de pourvoir rester dans le réseau jusqu’au bout du projet.
Comment avez-vous abordé l’aspect acoustique et l’éclairage ?
La question de l’éclairage s’est posée tout au long du projet. Pour les calculs, nous avons utilisé une valeur théorique par défaut. Pour l’acoustique, personne n’étant spécialisé dans ce domaine, nous ne nous sommes pas posé la question.
Quels sont, selon vous, les freins au développement du BIM ?
Les maîtres d’ouvrage intègrent plus en plus le BIM dans leur cahier des charges. Les acteurs prennent conscience des avantages apportés aux métiers du bâtiment suite à une intégration correcte de cette approche. Je fais d’ailleurs ma thèse sur le BIM au sein du bureau d’étude MANEXI, où j’évalue les opportunités apportées par le BIM aux métiers de la performance environnementale et énergétique des bâtiments.
Aujourd’hui, je considère la démarche BIM comme une opportunité qui donne un nouveau souffle au secteur du bâtiment Et ce que je vois, c’est que ce sont les mentalités qui représentent le plus grand frein. Travailler ensemble sur une maquette numérique suppose de changer les habitudes de travail et c’est compliqué.