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La définition du contenu de la RE2020 avance malgré le retard pris en raison du confinement du printemps dernier. Quelques points restent encore en suspens. Éclaircissements avec Paul Jallet, responsable de projet, en charge des questions de réglementation chez BBS.

Quel est le calendrier prévu pour la mise en place de la RE2020 ?

Elle devait avoir lieu en janvier 2021 mais elle a été repoussée suite à l’épidémie de Covid-19. La publication des textes est actuellement prévue pour fin 2020 ou début 2021. La date d’application envisagée est l’été 2021 pour les bâtiments ou extensions résidentiels, de bureaux et d’enseignement. Pour les autres, notamment les bâtiments d’hébergement ou commerciaux, la RE2020 n’entrera probablement pas en vigueur avant 2022.

Comme pour la RT2012, ce sera a priori la date du permis de construire qui servira de référence pour déterminer quelle règlementation s’applique à un projet de construction. La phase de transition entre RT2012 et RE2020 devrait ainsi encore s’étendre sur quelques années.

Quelles sont les principales nouveautés par rapport à la RT2012 ?

La RE2020 introduit une obligation de réaliser une analyse de cycle de vie (ACV) du bâtiment, en plus d’une étude énergétique, visant à quantifier l’ensemble de ses impacts environnementaux « du berceau à la tombe » : impacts associés à la production, au transport et à la mise en œuvre des produits de construction et équipements constituant le futur bâtiment, qui devront être recensés avec un bon niveau de détail. Dès lors, la RE2020 va potentiellement impacter l’ensemble des choix constructifs des bâtiments neufs plus profondément que la RT2012. On s’inscrit dans la continuité de l’expérimentation E+C- à ce niveau.

Concernant le volet énergie, la principale évolution viendra des indicateurs, avec l’accent mis sur la distinction entre énergies renouvelables / non renouvelables. La seconde évolution majeure viendra de la prise en compte d’un système de climatisation « fictive » pour des bâtiments non-climatisés à la livraison, mais jugés insuffisamment confortables dans le calcul conventionnel. Cette clause vise à se prémunir des situations où des systèmes de climatisation peu performants seraient installés après la livraison du bâtiment, échappant ainsi à la règlementation.

La notion de bâtiment à énergie positive, matérialisée par le coefficient BilanBEPOS dans E+C-, semble, quant à elle, mise en retrait. Les premiers éléments diffusés par les pouvoirs publics laissent entrevoir une quasi-absence de valorisation de l’export d’électricité produite par le bâtiment – aussi bien en termes énergie que carbone. Cette absence encouragerait l’autoconsommation d’électricité et limiterait indirectement la taille des installations photovoltaïques sur le bâtiment.

Pour finir, la RE2020 devrait s’accompagner d’une amélioration significative de la prise en compte du confort d’été par rapport à la RT2012. L’indicateur Tic actuel serait remplacé par un indicateur annuel d’inconfort cumulé, DH, exprimé en °C.h, plus compréhensible pour le thermicien. On s’oriente en outre vers une prise en compte systématique d’un besoin de refroidissement potentiel dans le Bbio, ce qui impliquerait de prendre en compte le comportement estival du bâtiment dès les phases amont du permis de construire. Enfin, la clause concernant l’ajout d’un système de climatisation fictive au calcul dans des bâtiments insuffisamment confortables pourrait être un levier supplémentaire, si les seuils sont suffisamment contraignants.

nuage rt2020

Sur quoi portent les derniers questionnements ?

Officiellement, aucun choix n’est arrêté, que ce soit au niveau des indicateurs, des méthodes, ou des exigences.

Concernant le volet énergie, les principaux questionnements restants concernent les niveaux d’exigence qui seront appliqués aux indicateurs BBio, Cep non-renouvelable, RCR (Ratio de Chaleur Renouvelable) et DH (degrés heures d’inconfort thermique). Il reste des doutes également sur le devenir des catégories CE1 et CE2, qui structurait souvent les choix techniques en RT2012, le maintien des garde-fous en parallèle aux calculs conventionnels, ou encore le devenir de la prise en compte des systèmes innovants qui avait été rendue possible au travers de la procédure RT2012 dite « Titre V ».

Concernant le volet carbone, le périmètre exact de l’ACV n’est pas encore totalement arrêté. La tendance irait vers un retrait du lot VRD (aménagements de la parcelle) du bilan ACV règlementaire, ou encore une absence de comptabilisation des bénéfices et charges « au-delà du cycle de vie » amenés par les produits de construction et équipements.

Il a par ailleurs été proposé une alternative dite « dynamique » au coefficient carbone Eges de E+C-, qui introduirait des pondérations selon le moment où les émissions de carbone ont lieu au cours de la vie du bâtiment. Mais il y a peu de chance que cette alternative soit retenue.

En termes d’exigence carbone, il faut s’attendre à une évolution entre E+C- et la RE2020, la base INIES s’étant considérablement enrichie depuis quelques années. Ceci permet de réaliser des ACV de bâtiments neufs avec de moins en moins de recours aux valeurs par défaut mises à disposition par le ministère, qui incorporent systématiquement une pénalisation sécuritaire.

Qu’est-ce que cette nouvelle réglementation va impliquer pour les clients de BBS Slama ?

L’expérimentation E+C- a permis à certains acteurs de commencer à pratiquer le volet carbone et ACV… Ces derniers ne devraient pas être trop dépaysés, la RE2020 s’inscrivant dans la droite ligne de ce référentiel. Mais ces acteurs restent encore peu nombreux.

On ne sait donc pas encore avec certitude comment les rôles vont être distribués au sein de la maîtrise d’œuvre pour répondre à la RE2020. Chez BBS, nous avons l’impression que ce sont essentiellement les bureaux d’étude à compétences énergie, aujourd’hui en charge du respect de la RT2012, qui seront aussi missionnés pour réaliser l’étude ACV finale accompagnant le permis de construire et assurer le suivi global du respect de la RE2020. Ils devront a minima maitriser la réalisation de calcul environnementaux, dont la principale difficulté réside dans l’inventaire complet (nature et quantité) des produits de construction et équipements (PCE) constituant le bâtiment.

Ce cap ne sera pas forcément facile à franchir, cet inventaire nécessitant de réunir des informations sur l’ensemble des corps d’état et éléments du projet de construction – y compris ceux qui jusque-là ne concernaient pas (ou indirectement) les bureaux d’étude énergie : fondations, structures, charpentes, aménagements intérieurs des locaux, éléments architecturaux, réseaux divers…  Dans certains cas, ils pourront s’appuyer sur le travail des autres acteurs de la maîtrise d’œuvre (architecte, bureau structure notamment) ou encore sur les économistes de la construction, dont le travail de recensement est très similaire à celui de l’ACV.

Les bureaux d’étude vont être sans doute également mandatés pour apporter leur expertise afin d’orienter les choix constructifs dès les phases amont du projet jusqu’aux études techniques. Il leur faudra alors savoir proposer des variantes à un projet de construction, connaître les leviers pour améliorer le bilan ACV et définir des estimations des quantitatifs de produits et équipements à partir du peu d’information disponible au départ du projet. En particulier au cours des premières années d’application de la RE2020, les maîtres d’ouvrage et cabinets d’architectures auront besoin de visibilité pour guider leur choix et acquérir progressivement une connaissance des bonnes pratiques pour respecter les exigences de la RE2020.  Nous allons tenter d’accompagner au mieux nos clients dans cette transition.